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Logistique et transport : un rapport européen pas très encourageant

Une analyse des experts du Centre d’études des transports pour la Méditerranée (Cetmo).

Persistance de l’informel, réglementation souvent violée, manque de confiance des clients…, le secteur est miné par plusieurs maux.Les opérateurs privés dénoncent les privilèges accordés à la Société nationale de transport et de logistique.

C’est en avril 2010 que les professionnels découvraient la stratégie nationale du transport et de la logistique présentée en grande pompe en marge de la signature du contrat programme. Ambitieuse, certes, la stratégie reste toutefois un dispositif dont le parachèvement prendra plusieurs années tant les défis qui restent à relever pour sa mise en œuvre sont de taille. Beaucoup de verrous restent à faire sauter autrement, le contrat programme risque de rester sur du papier. C’est en tout cas, en substance, l’avis qu’émettent aujourd’hui les experts du Centre d’études des transports pour la Méditerranée occidentale (Cetmo) qui viennent de rendre, en octobre 2010, le rapport final d’une étude sur la situation du secteur de la logistique et du transport dans les cinq pays du Maghreb. Manifestement, le Maroc y figure en bonne place au regard des réformes engagées ou déjà réalisées dans les domaines des transports et de la logistique (réforme du transport de marchandises, réforme portuaire, création de zones logistiques, etc.). Pour autant, le rapport du Cetmo relève encore beaucoup de faiblesses, particulièrement dans le transport routier et l’offre de services logistiques. Les experts notent, pour commencer, que «le principal problème qui se pose est l’existence d’un important secteur informel dans les domaines du transport routier et du stockage qui sont les fondements du secteur logistique». Ces deux secteurs, qui sont atomisés, ont une offre de services fragmentée, et, le secteur informel aidant, faussent la concurrence et contribuent à tirer les prix vers le bas, y compris chez les grandes entreprises, qu’elles soient publiques ou privées. En outre, malgré la réforme, on souligne que la réglementation n’est pas vraiment respectée, certaines entreprises dites organisées ayant elles-mêmes recours au secteur informel. Ce qui se traduit par une détérioration des prestations logistiques au niveau interne et au blocage du développement «de la sous-traitance logistique, un facteur crucial pour créer un grand marché logistique» que les pouvoirs publics appellent de leurs vœux.

Cette présence prononcée de l’informel, note le rapport, fait aujourd’hui que le tissu d’entreprises marocaines spécialisées est faible, laissant, ainsi, le champ libre aux opérateurs étrangers qui dominent le marché, notamment celui du transport international routier (TIR).

Ces derniers sont venus investir le marché marocain par le biais de leurs filiales locales quand la logistique a commencé à émerger au Maroc. Elles ont pour noms Maersk Logistics, Exel, Geodis, Graveleau, M&M et autres. Les entreprises purement marocaines qui interviennent comme prestataires se comptent sur les doigts d’une main. Il s’agit, entre autres, de la Voie Express, Marotrans et SDTM  et pour le public de la Société nationale de transport et de logistique (SNTL).

Cette situation vient du fait, explique l’étude, que «le marché marocain de la sous-traitance logistique (stockage, gestion des stocks, préparation des commandes, organisation de la distribution, etc.) demeure bipolaire». En ce sens que la demande en la matière émane surtout d’entreprises étrangères ou d’entreprises tournées vers l’export, alors que les entreprises de transport et de logistiques marocaines n’ont pas les ressources nécessaires, y compris humaines, pour assurer ces services. Elles se contentent, en conséquence,  de transporter les marchandises et dans les meilleurs des cas de les stocker. Pour preuve, il n’existe au Maroc aucune statistique ou donnée sur le volume de la sous-traitance logistique.

Autre frein d’ordre psychologique cette fois : les clients des sociétés de transport et de logistique eux-mêmes n’ont pas confiance en ces dernières et sont réticents à leur confier les informations et les fichiers en leur possession, de peur que ces opérateurs logistiques ne les concurrencent sur leur propre terrain, celui de la distribution, grâce à ces informations. Ce phénomène, font remarquer les rédacteurs de l’étude, est somme toute normal, puisqu’il a existé aussi dans les pays européens au moment de l’émergence des opérateurs logistiques. Il faut donc compter sur le temps pour que toute la chaîne s’installe et que ses maillons s’articulent entre eux. Et comme le conclut l’étude, la libéralisation et la réforme ne produiront pas à elles seules des entreprises structurées, ni une amélioration de la compétitivité ni encore une modernisation du secteur, «il faut une politique entrepreneuriale orientée vers le secteur privé».

Le privé veut un traitement équitable pour l’accès aux terrains destinés aux zones logistiques

Maintenant que pensent les opérateurs nationaux de cette situation dont les points de vue sont rapportés par l’étude ? En parlant de la stratégie nationale pour le développement de la logistique, c’est incontestablement la question de la SNTL qui revient le plus dans les propos des professionnels. Bien que comprenant le rôle que doit jouer la SNTL censée être l’instrument du gouvernement pour tirer le secteur logistique vers le haut, les opérateurs privés ne cachent pas leurs craintes que cet opérateur public ne soit favorisé par l’Etat, ce qui fausserait les règles de la libre concurrence. 
Déjà, la SNTL ne cache pas ses ambitions de vouloir devenir un opérateur logistique majeur. Pour ce faire, elle a créé, ou est en train de créer, deux filiales. La première «se cantonnera au secteur immobilier alors que la seconde fournira les prestations logistiques». Entendez que la SNTL se place sur le terrain de la construction de zones logistiques et le rapport souligne qu’elle va  disposer dans moins d’un an d’une surface de stockage de 28 ha sur la plateforme logistique de Mohammédia. Le rapport souligne que les responsables de la SNTL, tout en assumant le caractère public de la société affirment que cela ne leur donne strictement aucun privilège par rapport au privé.Cette société, qui se contente aujourd’hui de son activité transport, ne cache pas non plus ses projets de s’associer avec des opérateurs étrangers pour acquérir un savoir-faire logistique et bien se placer dans le créneau. De même, elle compte développer une activité transport international routier (TIR) et, pourquoi pas, se glisser dans le transport intermodal ferroviaire grâce à un partenariat avec l’Office national des chemins de fer (ONCF).

La SNTL dénonce, néanmoins, la concurrence déloyale émanant du secteur informel qui repose d’après elle sur la surcharge des véhicules, les temps de conduite excessifs et le non-paiement des impôts, comme elle dénonce aussi l’absence de prix de référence.

De leur côté, les opérateurs privés, tout en la rejoignant sur certains points, n’en pointent pas moins le fait que la société nationale «bénéficie d’une position privilégiée pour obtenir les contrats publics, substantiels étant donné le poids de l’Etat dans l’économie marocaine». Dans le même ordre d’idée, les opérateurs privés attachent une grande importance à l’accès aux zones logistiques prévues par le contrat programme. Ils ne cachent pas non plus leur crainte «que les opérateurs publics tels la SNTL et l’ONCF, ainsi que des organismes comme l’Agence national des ports (ANP) ou la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) ne soient favorisés tant du point de vue de l’accès aux nouveaux terrains et entrepôts que de celui de la gestion de ces zones».

Autrement, ils rejoignent la SNTL pour dénoncer le transport informel, ou pour mieux verrouiller les conditions d’accès à la profession.
Pour lutter contre le transport informel, il est proposé qu’en plus du contrôle, l’Etat offre des avantages pour inciter ces opérateurs informels à rejoindre la sphère organisée. A titre d’exemple, le secteur privé propose que tous les transporteurs respectent la réglementation pour pouvoir bénéficier d’une future baisse du prix du carburant professionnel ou d’une augmentation de la TVA sur le transport international qui est de 7 % au Maroc contre 19% en Espagne et en France. De la sorte, le remboursement de cette taxe deviendrait plus attractif dans le cadre des opérations d’exportation de services.

Quoi qu’il en soit, il est clair que parmi les cinq pays du Maghreb, le Maroc, dans une moindre mesure la Tunisie, est le plus avancé dans son chantier de modernisation du secteur du transport et de la logistique. Mais c’est connu que le plus dur dans les réformes ce n’est pas tant la conception de nouvelles lois et législations mais leur mise en application.

Source : La vie éco

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